samedi 3 décembre 2011

Interview de Bill Pogue, astronaute de la NASA qui a volé lors de la mission Skylab 4

William ‘’Bill’’ R. Pogue est pilote d’essais de l’US Air Force.


Pilote de chasse, il devient Solo de la Patrouille Acrobatique de l’US Air Force The Thunderbirds avant de devenir pilote d’essais.


Il est sélectionné par la NASA en 1966 dans le Groupe 5.

Il fait partie de l’équipage originel de la mission Apollo 19, avant que celle-ci ne soit abandonnée lors des coupes budgétaires en 1970 (avec Apollo 18 et 20).

Il est assigné au programme Skylab ensuite comme pilote du Module de Commande.

Il effectue une mission spatiale avec Skylab 4 et passe 84 jours dans l’espace.



Il quitte la NASA en 1975.

Bill Pogue est également l’auteur de plusieurs livres (voir au bas de l'interview)

Interview réalisée en novembre 2011

Qu’est ce qui vous a donné envie de devenir pilote ? Et comment êtes-vous devenu pilote ?
J’ai su que je voulais apprendre à voler quand j’avais 4 ans environ. J’étais dans le champ du voisin et un gros appareil m’a survolé. C’était un DC-2 et, pour moi, c’était vraiment très gros.

Je suis entré à l’US Air Force au tout début de la guerre de Corée. 
Je venais d’entamer ma dernière année à l’Université. Je me suis inscris au Programme des Cadets de l’US Air Force. Je voulais piloter, et je n’ai pas été déçu.

J’ai reçu mes ailes de pilote le 25 octobre 1952, la veille de mon mariage.

Lors de votre carrière de pilote de chasse, vous avez été également pilote de la Patrouille Acrobatique de l’US Air Force, les Thunderbirds. Comment avez-vous été choisi ?
Un jour, un des responsables des Thunderbirds, est venu nous voir à la base où j’étais assigné. Il nous a demandé si nous étions intéressés.
J’ai dis oui. C’était une offre que je ne pouvais vraiment pas refuser.



Au niveau pilotage, ce n’était pas trop différent ?
C’était très difficile, au début, vous savez. Je pilotais un F-84G, et les Thunderbirds pilotaient un F-84F, qui malgré l’appellation F-84, était totalement différent de celui que je pilotais. Et je venais à peine de me familiariser avec cet appareil, qu’on en changeait… pour un F-100C Super Sabrejet.


Je n’ai eu le droit qu’à 5 vols pour me familiariser avec ce nouvel appareil avant de commencer l’entraînement proprement dit.

Pouvez-vous nous donner un de vos bons souvenirs lors de votre passage chez les Thunderbirds ?
Cela a été une période très intense, de travail et d’entraînement, pendant les 2 ans, que j’ai passé au sein des Thunderbirds.

Un des grands moments a été, lors de démonstration, d’ouvrir notre show par un passage supersonique. ..ça décoiffait !


L’un des moins bons, a été, que je me suis éjecté lors d’une démonstration. 
J’ai perdu de la puissance lors d’une figure, et mon appareil a plonger. Je me suis éjecté et j’ai atterrit sans dommage. 
J’ai eu d’autres soucis, mais apparemment pas aussi sérieux que cela, même si spectaculaires, puisque je suis encore là à vous raconter mes aventures…(rires).

Qu’avez-vous fait entre votre départ des Thunderbirds (1957) et votre sélection à la NASA en 1966 ? Comment s’est passée l’annonce de votre sélection ?
Après les Thunderbirds, je suis devenu Instructeur à Nellis, et j’ai repris mes études en même temps. Et après 2 ans, j’ai obtenu ma maîtrise de Sciences en Mathématiques.

J’ai ensuite enseigné les Maths à l’US Air Force Academy, puis je suis devenu Pilote d’Essai à l’Empire Test Pilots School de Farnborough en Grande-Bretagne avant d’être affecté à Edwards.

La NASA a effectué une nouvelle sélection en 1966. 
Après avoir passé plusieurs tests et épreuves, j’ai reçu un coup de téléphone de Deke Slayton en personne, m’annonçant que j’avais été sélectionné.

Comment s’est passé votre entrainement et quelle a été la durée de celui-ci entre votre sélection et votre mission ?
Lors de notre entraînement, chacun était également assigné à un travail spécial, afin de préparer les missions Apollo et le matériel qui serait utilisé. J’étais assigné aux Apollo Applications, qui deviendrait plus tard Skylab.

J’ai été support crew sur plusieurs missions Apollo (11 et 14 notamment). La préparation a été longue ! 3 ans d’entrainement. Avec l’annulation des dernières missions Apollo, on a réaffecté le matériel restant pour l’adapter en vue d’une station spatiale.

Beaucoup de travail, et de formation médicale. Une fois là-haut, il était impossible d’aller voir le docteur… (rires). Nous sommes donc devenus médecins, dentistes, oto-rhino, etc… (rires) !


Dans quel état d’esprit étiez-vous avant le décollage ?
J’étais prêt, fin prêt… 3 ans d’entrainement, on ne peut être plus prêt… Mais j’étais un peu tendu quand même, car notre décollage avait été repoussé de quelques jours suites à la découvertes de petites fissures au niveau des moteurs.

Qu’avez-vous ressenti lors du décollage ? Quelles sortes de sensations ?

Au moment du décollage et de la mise à feu des moteurs, j’ai été surpris par le bruit. C’était très bruyant , malgré mon casque. Cela remuait beaucoup… Mais le bruit et les secousses se sont calmés au fur et à mesure qu’on accélérait. Je me souviens du bruit que faisait le carburant qui courait vers les moteurs.

Jusqu’à la séparation du 1er étage, cela a été assez sportif quand même, jusqu’à 4g. Puis, le 2ème étage s’est mis en route, et là, j’ai vu la Terre, et je me suis dis…ça y est, j’y suis !


Qu’avez-vous mangé lors de votre mission ? Etait-ce bon ?
C’était bon, c’était diversifié même si c’était un peu répétitif. Nous avions des menus établis pour 6 jours. Nous avons même eu des glaces, du steak, du homard…

Pouvez vous nous parler de la ‘’couleur’’ des repas ?
En fait, c’était le conditionnement des aliments pour chacun. J’avais les aliments emballés en bleu, Jerry avait les siens en rouge, et blanc pour Ed.

Vous avez été sujet au mal de l’espace …
J’ai été malade, très malade pendant les 3 premiers jours. Je suis le seul de nous trois à avoir eu le mal de l’espace. Et pourtant, au sol, lors de notre préparation, on m’avait dit que je serai certainement le seul qui ne l’aurait pas… (rires). Mais après, j’étais pleinement opérationnel.



Pourriez-vous nous faire partager un de vos meilleurs moments de votre mission ?
J’ai adoré faire des EVA. Surtout celle de Noël 1973. Je suis monté, nagé plutôt, vers le haut de la station, et j’ai eu une vue magnifique de la Terre, sans rien devant pour gêner cette vue.

Et cette grève ?
C’est très exagéré comme terme. Nous avions beaucoup de travail et nous n’avions pas eu toujours le temps de répondre au sol, qui ‘’nous harcelait’’ de questions, de communications !!! Et un jour, nous n’avons pas répondu au sol, pensant chacun, que l’autre le ferait ou l’avait fait… Mais de là à dire que c’est une grève !

Comment s’est déroulé votre retour ?
C’était un moment très intense. Nous étions le dernier équipage sur Skylab, il fallait tout ranger, inventorier, noter, préparer le module de commande. Il ne fallait rien oublier. Et il fallait aussi préparer la station pour un éventuel retour d’un équipage plus tard.

Le retour a été normal. 
Lors de la rentrée dans l’atmosphère, nous avons ressenti l’attraction certainement plus fortement que ce que l’on aurait dû ressentir, mais c’était normal après 84 jours dans l’espace… Mais cela ne nous a pas trop causé de problème.

Des chaises roulantes nous attendaient sur le pont de l’USS New Orleans, mais nous avons mis un point d’honneur à sortir nous même de la capsule et à marcher sur le pont.



Pourriez-vous éclaircir un point au sujet de l’odeur qui se dégageait dans le module lors de votre retour sur Terre ?
(Rires)… Je ne vois pas de quoi vous parlez…(rires).

Ce qui s’est passé, c’’est que nous gardions un échantillon journalier de nos urines et de nos autres besoins. Nous les mettions dans un sac spécial qui était placé dans le congélateur. Pour le retour nous avons placé ceux-ci sous le sol dans le module dans un compartiment spécial. Lors de la descente, une valve de pressurisation s’est mise en route normalement. Elle était située dans ce compartiment. De l’air a donc réchauffé notre marchandise…(rires). Et lors du splashdown, le compartiment a été un peu inondé. Si les sacs étaient étanches à l’eau, ils ne l’étaient pas entièrement à l’odeur… (rires).

Etiez-vous triste de rentrer sur Terre ?
Ce n’était pas facile de partir mais j’étais quand même content de rentrer.

It’s good to be home...


Bill Pogue a écrit de quelques ouvrages




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