mercredi 10 octobre 2012

Frank K. Ellis, pilote de l'US Navy, amputé des jambes et candidat astronaute NASA


Nous sommes en novembre 1965. Le Lt Frank E. Ellis, pilote de l’US Navy accède à une certain notoriété, alors qu’il est en train de postuler pour la prochaine sélection de la NASA de 1966.
 
(Photo Presse UPI du 19 nov 1965 / Collection Spacemen1969)
(Photo Presse UPI du 10 novembre 1965 / Collection Spacemen1969)
Il est le premier candidat officiel ‘’handicapé’’ à postuler comme astronaute. Plus exactement, l’US Navy l’a sélectionné et a présenté sa candidature à la NASA, comme cela se faisait à l’époque, puis elle a rejeté sa candidature.

Frank Ellis a été amputée de ses deux jambes, au niveau des genoux, lors d’un crash en 1962. Suite à une panne de son appareil, il aurait pu s’éjecter de suite, mais a préféré éloigner son appareil de zones habitables au-dessus desquelles il se trouvait et s’est éjecter très tard de son appareil.

Après un long rétablissement et une bataille administrative acharnée, il retrouve son statut actif de pilote. Ce n’est pas le premier pilote amputé qui soit en service actif. L’US Air Force en a déjà eu. Mais ce sera le premier pilote de l’US Navy appontant. Le plus célèbre des pilotes amputés est le britannique William Bader au sein de la Royal Air Force.

Appareillé avec des prothèses, il était capable de marcher, de sauter et même de courir.

Lors de sa sélection, c’est un des arguments qu’il a exposé. Il a surtout expliqué que courir, sauter, marcher, était inutile en apesanteur.

Il a même expliqué que ‘’l’absence’’ de jambes était un avantage pour travailler dans l’espace :

-    Les jambes n’ont pas de franche utilité en apesanteur, et qu’elles gêneraient même les mouvements d’un astronaute dans une future station, car il se cognerait partout.
-    Le sang ayant tendance a descendre vers le bas, et donc les jambes en apesanteur, et donc changeant le rythme cardiovasculaire (notamment lors d’un retour de vol prolongé), le fait de ne pas avoir de jambes minimisera les effets.
-    Sur un trait d’humour, il indiqua aussi qu’il prendrait moins de place et pèserait moins lourd…

Il passa une partie des sélections, mais le fait de ne pas pouvoir sortir normalement d’une capsule Apollo et de pouvoir utiliser le système d’évacuation et d’éloignement d’urgence du pad de tir, posait irrémédiablement un problème de sécurité.

Il ne fut pas retenu dans les sélections finales mais la NASA lui proposa de travailler avec elle.

Sa candidature éveilla un certain intérêt de la presse à l’époque.
 
(Article du Tuscaloosa News du 29 octobre 1965)
(Article du St Petersburg Times du 23 décembre 1965)
En 1968, il écrit un livre où il raconte son combat pour regagner son statut de pilote actif de l’US Navy face à une bureaucratie un peu ‘’fermée’’. Et bien sûr, son expérience dans la sélection de la NASA : No Man waks Alone (Editions Fleming H. Revell).
 
Il relate aussi son expérience dans ce magazine de 1967.
 



 
Mais laissons-le raconter lui-même son histoire :
(traduction faite avec autorisation)

En 1956, je termine mes études à l’Université du Colorado. En septembre de la même année, je commence ma formation de pilote dans le Corps d’Entrainement des Officiers de Réserve (ROTC) et je reçois mes ailes en 1957. Je deviens ensuite instructeur, puis fait mon premier ‘’tour’’ (période de campagne en activité sur le théâtre opérationnel = ndlr) sur le Porte-Avions USS Midway en 1959. Je pilote un F3H Demon en escadron de nuit (VF-21). En même temps, je passe ma maîtrise d’ingénieur aéronautique.

Le 11 juillet 1962, alors que j’arrivais à Los Angeles (Navyjet 28229) en milieu d’après-midi, et que j’étais à quelques minutes de mon approche finale, je signale à Mugu Tower (l’indicateur radio de la base) que j’ai un problème sérieux problème de trim qui venait de survenir, mais que pour l’instant, je contrôlais encore l’appareil.

Mais alors que j’étais très près de la piste et à environ 100 mètres d’altitude, j’ai vu des rangées de caravanes habitées et si je m’éjectais maintenant, l’avion s’écraserait dessus. Je me suis éloigné le plus que je le pouvais et me suis éjecté à environ 20-30 mètres du sol.

L’avion s’est écrasé sous moi, j’étais toujours harnaché au siège éjectable. Le parachute s’est ouvert mais m’a seulement un peu ralenti. Je suis tombé sur les débris de l’avion qui venait d’exploser. Le bas de ma jambe droite a été sectionnée en tombant et la jambe gauche a été très grièvement touchée et fracturée.

J’ai été un peu trainé sur des eucalyptus qui se trouvaient là et j’ai eu des côtes fracturées et un traumatisme important en bas du dos. J’avais aussi de multiples petites coupures et mes mains, jambes et visage avaient été brûlés.

Les équipes de secours sont arrivés très vite. J’étais encore conscient. Pendant la première semaine, j’étais considéré entre la vie et la mort, puis après la deuxième, on m’a transféré à San Diego, au Balboa Naval hospital, mais je ne faisais plus partie de cette liste ‘’critique’’.

Là-bas, on ne me donnait aucune chance de remarcher un jour. J’étais persuadé du contraire. Je m’étais juré de remarcher, de revoler, et de devenir astronaute…

J’ai ensuite diverses affectations en tant qu’officier à la Naval Air Rework facility de Jacksonville (Floride). Je quitte l’US Navy en octobre 1968, pour travailler ensuite dans le privé.

Après plusieurs tentatives pour sauver ma jambe gauche, l’équipe médicale décida de l’amputer, au niveau du genou. J’ai récupéré assez vite. Et à la fin de l’année 1962, j’avais mes deux prothèses et je pouvais marcher sans aide, sans maintien… Je marchais , je remarchais 

En janvier 1963, je passais les tests de survie en mer des pilotes de la Navy que je réussissais.

En mars, je recommençais à voler, et j’ai même sauté en parachute.

Je ne m’étais jamais imaginé que je récupèrerai aussi vite. J’ai accumulé les heures de vol, d’entrainement, de sport, pour retrouver mon statut actif au sein de la Navy. Mes supérieurs m’ont recommandé. J’ai fais des dizaines de rapports, d’entretiens avec des amiraux, avec le Secrétaire d’Etat de la Navy, etc …pour prouver que j’étais un pilote comme les autres. Cela a été long, difficile, car les avis divergeaient…

En septembre 1963, je retrouve officiellement mon statut de vol, mais celui pour apponter sur Porte-Avions ne m’est pas accordé (Flight Service Group II) par Pensacola. Mais les bureaucrates de Washington décident de me rétrograder en Flight Service Group III, c'est-à-dire uniquement en tant que copilote). La déception a été grande…

Je décide de postuler pour une formation supérieure en tant que pilote (Postgraduate School) qui me permettra peut-être de retrouver mon statut de vol d’origine et peut-être même d’intégrer la formation de pilote d’essais.

Ma ténacité finit par payer. Je reçois des encouragements du vice-secrétaire d’Etat à la Navy, et je commence ma formation à l’US Naval Postgraduate School de Monterrey en Californie.

Je dois dire aussi, que le soutien sans faille, de mon épouse et de mes enfants, m’a plus que grandement aidé.

C’est pendant cette période de formation, que j’ai décidé de proposer ma sélection pour devenir astronaute à la NASA et participer au programme Apollo. J’avais appris que mon nom faisait partie d’une liste de 50 pilotes de l’US Navy, mais que mon nom avait été retiré par le bureau du Chief of Naval Operations. Il était pourtant classé 5ème, et que je répondais à tous les critères requis.

C’est pour cela que je me suis présenté quand même. Même si je n’ai pas été sélectionné pour le programme, cela a été une période très intéressante.

J’ai ensuite diverses affectations en tant qu’officier à la Naval Air Rework facility de Jacksonville (Floride). Je quitte l’US Navy en octobre 1968, pour travailler ensuite dans le privé.

J’entends souvent dire, que j’ai accompli un miracle. Ce n’est pas vrai… Cela peut sembler miraculeux, mais en fait, non, c’est venu naturellement et automatiquement : J’étais motivé !!!

Je pense qu’une personne sans motivation, sera beaucoup handicapée, qu’une personne ayant une motivation, quelle qu’elle soit … et quel que soit son handicap ou non.

Il faut aussi avoir la foi … quelle qu’elle soit … dans sa famille, ses amis, son travail, son pays, en soi. Avoir foi en soi et en Dieu.

No man walks alone ….

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