mercredi 12 décembre 2012

Vol en apesanteur pour le grand public : Interview d'Eric Delesalle, Commandant de Bord de l'Airbus Zero

Mardi dernier, le 4 décembre 2012, le CNES et Novespace annonçait l'ouverture des vols en apesanteur Zero G pour le grand public. C'est la société Avico qui commercialise cette expérience unique : www.AirZeroG.com (cliquer sur le lien en jaune)

Voir l'article sur la conférence Annonce des vols en apesanteur pour le grand public (cliquer sur le lien en jaune).

Le Commandant de Bord des vols pour le grand public sera Eric Delesalle, pilote d'essai expérimenté et qui a effectué plus de 4 500 paraboles à bord de l'Airbus Zero G qui sera utilisé.


(Eric Delesalle à la conférence du 4 décembre au siège du CNES)
(Crédit Photo : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace)
Voir ici, un article que j'avais écris en 2011 sur les vols paraboliques à bord de l'Airbus Zero G de Novespace :  Salon du Bourget 2011 / l'Airbus Zero G de Novespace (cliquer sur le lien en jaune)


Interview réalisée en décembre 2012

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Eric DELESALLE et j’ai 55 ans
Je suis marié et j’ai 3 enfants
Ingénieur de l’Ecole de l’Air (promotion EA 1977)
Ingénieur Sup’Aéro (promotion 1989)
7000 heures de vol sur 80 types d’avion différents
4500 paraboles en A300 ZeroG
Brevet de pilote de chasse
Licence ATPL (Pilote de ligne)
Brevet de pilote d’Essais Expérimental (EPNER 1989-1990)
SEP, qualification montagne Roues et Skis (et propriétaire d’un D140E Mousquetaire !)
Diplôme universitaire en Facteurs Humains
Activité professionnelle principale : Directeur des Essais en Vol d’ATR
Activité secondaire : consultant en Aéronautique

A quand remonte votre intérêt, votre passion pour le monde aéronautique ?
A 18 ans, j’étais attiré par les matières scientifiques, les mécaniques performantes et les grands espaces : l’Aviation fût donc une révélation permettant de marier ces trois centres d’intérêt.
Après mon bac, j’ai intégré l’Ecole des Pupilles de l’Air à Grenoble en classes Prépa à l’Ecole de l’Air, puis salon de Provence en sept 1977.

Qu’est ce qui vous a attiré pour accepter de devenir pilote de l’Airbus A300B Zero G ?
En 1996, la Caravelle ZeroG du CEV est remplacée par le prototype 003 de l’A300B ; le chantier de modification est confié à EADS SOGERMA dont je suis à l’époque Directeur des Essais en Vol.
C’est donc à mon Département qu’est confié le premier vol de l’A300B 003 F-BUAD pour ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière, après des essais moteur et le développement des commandes de vol électriques sur Airbus, en vue de l’A320.
Après la réception industrielle de responsabilité SOGERMA, l’avion est confié au CEV pour la qualification de la manœuvre parabolique, puis commence sa carrière opérationnelle en micro gravité.
Assez naturellement puisque nous connaissons bien l’avion, mon Mécanicien navigant d’Essais Serge GRANEREAU, et moi-même, sommes intégrés aux équipages du CEV, et c’est là que je découvre la passionnante aventure de la micro-gravité.
Quand en 2003, je suis appelé à prendre la Direction des Essais en Vol d’ATR, j’accepte avec plaisir la demande de Novespace de rester pilote de l’Airbus ZeroG, que je continue à piloter ponctuellement en accord avec la Direction d’ATR.

Quelles particularités rencontre-t-on dans le pilotage de cet appareil par rapport aux autres appareils que vous pilotez ?
Le pilotage de l’A300 ZeroG est passionnant, car contrairement à la tendance actuelle, tout est réalisé manuellement : aucun automatisme ne vient aider l’équipage.
Pas de pilote automatique, pas d’auto-manette, même le trim électrique de profondeur est neutralisé ainsi que le système de restitution artificielle d’effort.
De plus, la manœuvre est très spécifique et intéressante à réaliser car aucun paramètre de vol n’est stable : l’assiette en tangage varie de 0 à +50°, puis passe à -45° à piquer, avant de retrouver le vol en palier ; la vitesse indiquée varie de 340 Kt à 140 en haut de parabole, pour ré accélérer ensuite vers 320 Kt en sortie de ressource.
La précision demandée est de 0,05g sur les trois axes, ce qui représente une précision de quelques mètres sur la trajectoire optimale !...
Rien de simple ni de facile, et donc quelle belle satisfaction de réussir une belle parabole ! Avec de l’entrainement et en atmosphère calme, nous arrivons à tenir les 0,03g.
Afin de garantir la précision, le pilotage est réparti entre trois membres d’équipage :
· Le pilote tangage pilote le Jz à 0 ;
· Le pilote latéral garde les ailes horizontales, et dirige la manœuvre par des annonces précises aux différents points-clés de la parabole ;
· Le mécanicien navigant ajuste la position des manettes de puissance pour avoir un Jx nul.

(Crédit Novespace d'après un film de présentation)
En tant que pilote, vous ne ‘’vivez’’ pas l’apesanteur de la même façon que les personnes à bord. Cela n’est pas un ‘’peu frustrant’’ de ne pouvoir flotter librement ?
Pour la sécurité et la précision du pilotage, les pilotes sont sanglés fermement sur leur siège, et la perception est bien sûr différente du « free-floating » dans la cabine ; il reste cependant la perception « aux fesses » du facteur de charge qui aide à la réalisation de la parabole.
Mais aucune frustration, car la satisfaction est ailleurs, dans le succès à garder l’indication de l’accéléromètre au plus près du zéro !
Et puis, nous sommes trois pilotes dans l’avion lors d’une mission standard, et chacun dispose donc d’un peu de temps au cours du vol pour aller dans la cabine et partager avec nos passagers l’enthousiasme de l’apesanteur.
Ces passages en cabine sont très importants pour bien comprendre la problématique des expériences et soigner le confort des expérimentateurs ; c’est ainsi que le pilote comprend par exemple la nécessité d’une transition souple lors de la ressource.

Vous-même, aimeriez-vous aller dans l’espace ? Et pourquoi ?
J’ai tenté la sélection spationaute en 1990, où ma candidature a résisté jusqu’à la short-list des huit finalistes.
J’étais alors à l’EPNER, et le projet de navette spatiale Hermès m’intéressait particulièrement.
Je ne fus pas retenu (Hermès non plus !), mais mon rêve reste à jamais de réaliser une sortie extravéhiculaire, seul dans l’éther, en orbite autour de notre belle planète, dérivant à plusieurs milliers de Km/h…

Dessine-moi un mouton…

(Eric Delesalle à la conférence du 4 décembre au siège du CNES avec Jean-François Clervoy)
(Crédit Photos : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace)

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