mardi 8 avril 2014

Interview de l'astronaute canadien Chris Hadfield


Chris Hadfield est un pilote d’essais de l’armée de l’air canadienne.

 
 En 1992, il est sélectionné comme astronaute par l’Agence Spatiale Canadienne.
 
Il effectuera 3 missions spatiales, deux en navette spatiale et une en Soyouz, avec la particularité de s’amarrer à chaque fois à une station spatiale (MIR et ISS) :
 
STS-74 : 12 au 20 novembre 1995
STS-100 : 19 avril au 1er mai 2001
Expedition 34/35 : 19 décembre 2012 au 14 mai 2013
 
Il aura passé 165 jours 16 heures et 21 minutes dans l’espace.
 
Il prend sa retraite d’astronaute le 3 juillet 2013.
 
Chris Hadfield n’est pas seulement un grand astronaute, il est aussi musicien. Lors de son vol de plus de 5 mois à bord de l’ISS, il a voulu faire partager le travail d’astronaute, mais aussi son émotion, ses sensations. Un public enthousiaste a suivi sa mission (son compte twitter et ses vidéos sur Youtube ont dépassé le million d'abonnés et de vues).
 
Toujours en 2013, il publie une autobiographie An Astronaut’s Guide to Life on Earth.
Ouvrage que vous pouvez vous procurer sur son site : www.chrishadfield.ca

 
 
Chris Hadfield vient nous parler de sa première mission STS-74 et de sa rencontre avec le grand public lors de sa dernière mission.

 
 
Entretien réalisé le 25 mars 2014.
 
 
Dans quel état d’esprit étiez-vous avant le décollage de STS-74 ?
J’étais prêt !
J’ai pris la décision de devenir astronaute à l’âge de 9 ans !
Et j’ai réalisé à quel point ce vol, ce décollage était important pour moi.
Cela faisait 26 ans que je voulais réaliser ce rêve.
C’était un sentiment plus important qu’un vol spatial même, c’était un rêve qui devenait réalité…
Mes pensées, mes émotions étaient ‘’occupées’’ par toute la technique du vol, par le fait que la navette spatiale est le véhicule le plus compliqué au monde, que le rôle de chaque membre d’équipage, de mon rôle, faisait partie aussi de la technique !
Mais en même temps, je réalisais un rêve, un rêve qui était plus important que tout …
 
J’étais donc bien préparé, mais j’avais aussi l’esprit d’un petit garçon de 9 ans avec beaucoup d’excitation en moi …
 
J’étais absolument préparé, avec tous les détails de la mission, de mon rôle, des dangers, de tout ce qu’il y avait à faire …


Qu’avez-vous ressenti physiquement au décollage ?
J’ai senti une puissance, une capacité de puissance énorme. Un sens de la force incroyable !
Des vibrations, des vibrations … beaucoup de vibrations. Des vibrations non contrôlées, rapides …
Des vibrations très différentes de celles que l’on peut ressentir à bord d’un avion. Un peu comme ce que l’on peut ressentir en voiture sur une route très bosselée.
Et une pression de plus en plus forte sur le corps …
Comme si nous traversions une énorme tempête !


Quels étaient vos sentiments au moment où vous vous êtres retrouvés en apesanteur juste après votre décollage ‘’tempêtueux’’ ? Comment est-ce l’apesanteur ?
Je dirais … Liberté !
Oui, être libre de voler comme Superman, de voler sans appareil. Liberté …
 
Et cette liberté est très plaisante, très euphorisante …
Au moment où on se retrouve en apesanteur, on rigole, il y a beaucoup de rires … l’apesanteur, ce moment où on s’y retrouve, c’est vraiment très plaisant …
J’aime beaucoup l’apesanteur (rires).
 
On découvre que le corps s’adapte merveilleusement à cet environnement. Après quelques nausées, il y a eu une réadaptation incroyable.
 
Je dirais que l’apesanteur est un véritable cadeau, comme un jouet qui ne s’use pas, et avec laquelle on peut jouer tous les jours, tout le temps. On peut flotter, on peut se prendre comme un gymnaste… La sensation de flotter est vraiment plaisante.
 
L’apesanteur est très amusante et totalement différente, au niveau des sensations, de celle que l’on peut éprouver en Zéro G, car elle est permanente. Il y a autant de différences entre plonger dans l’eau et nager dans l’eau.
 
L’apesanteur est vraiment un environnement différent.

Quels problèmes avez-vous rencontré lors de la mission STS-74 et comment les avez-vous résolus ?
En fait, le travail d’un astronaute est un enchainement de problèmes. Il y a toujours des problèmes, gros ou petits, à régler.
Presque rien ne marche comme cela était planifié. On fait les tests sur Terre mais on s’en sert en apesanteur, donc il y a toujours une différence. Les simulateurs ne sont que des simulateurs, et les choses dans la vie réelle ne sont pas toujours prévues par les simulateurs.
 
Nous avons eu des problèmes techniques au moment de l’amarrage.
Au sol, au simulateur, tout se passait merveilleusement bien, mais là, nous avions une différence de 10 mètres environ (7 mètres d’un côté, 11 mètres de l’autres) par rapport à notre distance d’approche de la station MIR.
Nous n’avions qu’une fenêtre de 2 minutes pour l’amarrage. Il fallait avoir la vitesse exacte de 1,1 pied / sec.
Il fallait aller vite. J’ai utilisé mon pouce et mon chronomètre personnel pour regarder et estimer la distance et la vitesse nécessaire à l’arrimage et donner mes données. Nous avons pu nous amarrer.
Nous étions tellement contents d’avoir réussi …


Comment s’est passé votre retour sur Terre ?
On peut dire qu’avec la navette, le retour est aussi tranquille que possible. Vous n’êtes pas une météorite comme l’étaient les capsules Apollo ou dans une moindre mesures les Soyouz.
Le retour a été confortable, et les premiers effets de la gravité se sont fait graduellement. On voit les choses redescendre vraiment lentement.
Au retour, nous n’en sommes qu’à 2 – 2,5 g.

 
Par contre, après 8 jours dans l’espace, il est difficile de marcher les yeux fermés. Il vaut mieux les garder ouverts pour garder la bonne direction, et ne pas trop tituber. Mais la réadaptation se fait rapidement, et après notre atterrissage en Floride, nous avons inspecté la navette, et discuté avec le personnel et les responsables de la NASA et de l’agence canadienne au pied de celle-ci.

 
Concernant votre dernière mission (Expedition 34-35 en 2012/2013), que pensez-vous de l’enthousiasme que votre vol a suscité auprès du grand public … succès mondial de votre reprise de Space Oddity, un nombre de followers record sur votre compte Twitter, vos vidéos, tchat en direct, livre, etc …
Vous savez, être astronaute, c’est beaucoup de travail. Je l’ai fais pendant 21 ans 7 jours / 7 j.
J’ai volé 3 fois dans l’espace, et j’ai eu la chance, le privilège, mais aussi le défi, d’être Commandant sur la Station Spatiale Internationale.
 
Je me sentais le besoin de faire partager cette expérience avec le grand public. Je me suis préparé longuement à partager. La technologie actuelle a rendu tout cela possible. On peut écrire des emails, twitter, tchater, envoyer des vidéos en direct depuis l’ISS.
Cela permet d’exprimer, de mieux montrer la vie à bord de la Station Spatiale Internationale, de la partager.
 
En tant qu’astronaute, je ne suis pas représentatif de moi-même uniquement, mais je représente tout le monde … et j’ai la responsabilité de faire partager cela. Dès que j’avais 10 minutes de libre, je ne pensais qu’à cela … PARTAGER !
 
J’ai fais une centaine de vidéos HD lors de cette mission, des milliers de photos. J’ai chanté aussi, avec un peu de succès il est vrai Space Oddity (rires).  J’ai chanté en direct devant un million d’élèves.
Il était absolument nécessaire de faire partager cela.

 
 
Il faut absolument partager ce que nous faisons là-haut. Nous explorons, et le monde entier doit explorer aussi. Il fallait partager …

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(Chris Hadfield avait déjà emmené une guitare, pliante, lors de sa première mission)

(Chris Hadfield lors de sa dernière mission, dans Cupola)
 
(Chris Hadfield avec les équipages de son 2ème et de son 3ème vol)
 
 Un mini-fig Lego à l'image de Chris Hadfield et en hommage à sa reprise de Space Oddity a été édité.
Article complet sur Space Relics ici (cliquez sur le lien en jaune)


(Chris Hadfield à Paris en juin 2001 lors de La nuit de l'Espace)
 
 (Crédit : Stéphane Sebile / Space Quotes - Souvenirs d'espace / NASA)
 

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