jeudi 15 septembre 2016

Rencontre avec Thomas Pesquet - Mission Proxima / Paris le 15 septembre 2016


Thomas Pesquet est à 60 jours de son envol vers la Station Spatiale Internationale prévu le 15 novembre prochain. Il est dans ''la dernière ligne droite''.

Il vient de terminer la semaine dernière son entraînement à Houston et va retourner pour les quelques deux mois qui restent en Russie. Et pendant un court laps de temps, quinze jours, il est à Cologne au centre d'entrainement des astronautes européens pour des derniers préparatifs, réglages, examens, mesures, travailler sur les expériences françaises dont il aura la charge à bord, etc...
Et ce jeudi, il était sur Paris pour rencontrer différents médias. Il est ainsi venu au petit-déjeuner presse de l'AJPAE (Association des Journalistes Professionnels de l'Aéronautique et de l'Espace) afin de nous parler de sa mission.



Il avait déjà fait une conférence de presse le mois dernier via visioconférence depuis Houston :
Visioconférence de Thomas Pesquet (cliquez sur ce lien en jaune)


Décollage le 15 novembre à 23h05 (heure de Paris)

<< Le décollage est prévu le 15 novembre prochain à 23h05 heure de Paris. Nous serons (avec ses deux collègues Peggy Whitson et Oleg Novitsky) l'Expedition 50. Nous rejoindrons les trois premiers membres de cet équipage qui part pour l'ISS le 23 septembre prochain. Et eux, lorsqu'ils rentreront sur Terre, nous deviendrons Expedition 51. >>

<< Pour le retour, cela est un peu avancé pour le moment à la mi-avril 2017, mais nous sommes dans le spatial, cela peut encore changer et glisser vers le mois de mai, comme prévu à l'origine. >>


J'ai les meilleurs des collègues avec moi

<< J'ai l'habitude de dire que Peggy ''a construit'' la station spatiale. Elle a déjà volé deux fois en mission longue durée (ndlr = 376 jours à bord de l'l'ISS à ce jour), a déjà fait 6 sorties extra-véhiculaires (EVA), a été chef des astronautes de la NASA. C'est quelqu'un avec un palmarès exceptionnel, un passé très impressionnant. 
Je ne suis pas intimidé, car Peggy, au-delà de tout ça, est quelqu'un d'extrêmement facile à vivre, et c'est une de ses plus grandes qualités. 
C'est aussi grâce à cette qualité qu'elle a plusieurs vols à son actif. Il faut avoir aussi un esprit d'équipe pour être astronaute. >>

<< Je suis très content de voler avec elle. Elle a plein de choses à m'apprendre. C'est mon premier vol, et s'il y a quelque chose que je ne sais pas, je sais que je peux demander à Peggy. C'est hyper confort pour moi ! 
Ce sera son dernier vol certainement et elle est contente de faire la transmission avec la nouvelle génération. >>

<< Oleg est un militaire russe, c'est son deuxième vol. C'est aussi le mec le plus sympa de la Terre. >>

<< J'ai beaucoup de chance de voler avec ces deux-là, et on s'entend super bien ! C'est important de bien s'entendre lorsque l'on part six mois dans l'espace. ça marche super bien et je suis content ! >>

(Crédit : NASA)

C'est effectivement un rêve qui va se réaliser

<< C'était un rêve d'enfant. Je pense que c'est le rêve de beaucoup de petits enfants, mais le problème, c'est que la plupart des gens abandonnent leur(s) rêve(s) en route au fur et à mesure qu'ils avancent dans la vie. Mais c'est possible ! >>

<< Je pense aussi qu'il faut en avoir sacrément envie ! Ce n'est pas forcément facile tous les jours. On voit toujours le côté sympa, mais bon, c'est la faute des astronautes aussi, car on n'arrête pas dire ''Regardez, comme c'est beau''. Mais c'est énormément de boulot, d'investissement de soi, de sacrifices. >>

<< C'est un rêve qui va se réaliser - En même temps, on en parlera lorsque je serai dans la station. Pour l'instant, c'est un peu virtuel. Cela fait 7 ans que je me prépare et la réalisation du rêve se fait de plus en plus proche. >>


La capture par le bras robotique est quelque chose de sympa

Il y aura plusieurs vaisseaux cargo qui viendront ravitailler la Station Spatiale Internationale. Cela va du Dragon de Space X au HTV japonais, du Cygnus d'Orbital au Progress russe.

<< On devait avoir la visite d'au moins deux Dragon de Space X, un en début de mission, un à la fin, mais avec l'explosion du lanceur Falcon en début de mois, je ne suis pas sûr qu'on verra les deux Dragon. On verra certainement le deuxième, à la fin de la mission. >>

<< Trois Progress doivent arriver pendant la mission. Les vaisseaux Progress sont des capsules Soyouz inhabitées et sont lancés par des fusées Soyouz qui sont les mêmes fusées qui lancent les capsules habitées qui s'appellent Soyouz - il y a souvent confusion. >>

<< La capture par le bras robotique est vraiment de quelque chose de sympa, que les astronautes aiment faire, même si bien sûr, il ne faut pas se planter ! >>

<< Le HTV japonais doit arriver en décembre pour emmener des nouvelles batteries pour l'extérieur de l'ISS. >>


J'espère bien faire une EVA - Je suis prêt à faire une EVA

<< Il y a 4 sorties extra-véhiculaires de prévues - deux en début de mission et deux en fin de mission. J'espère bien en faire une  ! J'espère bien faire une EVA - je suis prêt à faire une EVA. J'ai fait une vingtaine d'entrainements en piscine pour cela. >>


On peut évacuer la Station Spatiale en moins de 20 minutes

<< Parmi les dangers, il y a le feu, un trou dans la coque avec dépressurisation et des produits toxiques qui peuvent se répandre, liquides ou gaz. En cas d'extrême danger, on peut évacuer la station en moins de 20 minutes par le Soyouz. Cela ne veut pas dire que nous allons rentrer sur Terre en 20 minutes. Mais une fois quittés la station, nous serons à l'abri dans notre capsule. >>

<< En apesanteur, les produits toxiques se répandent très vite. On se prépare bien sûr à ce genre d'accident et nous avons les équipements adéquats. On a des masques, comme celui de la photo, contre les fuites de produits toxiques comme l'ammoniac qui est utilisé à l'extérieur pour le refroidissement thermique de la station. Ce genre de produit ne devrait pas se trouver à l'intérieur, mais nous avons des scénarios extrêmement improbables qui nous entraînent à faire face à cette situation. Tout ça est prévu d'avance, il n'y a pas d'improvisation. >>

<< Ces procédures d'urgence sont énormément travaillées, préparées. Nous sommes extrêmement bien entraînés. On passe beaucoup de temps sur ces scénarios là. Même une fois à bord, on continue de s'entraîner. >>

<< Le risque d'un feu extrêmement grave, voir non contrôlé comme vous dites, à bord de l'ISS, est plus que très improbable. Même s'il y avait le feu à bord, il serait très vite maîtrisé. Nous avons toutes les sortes d'extincteurs à bord, eau, mousse, CO2 - bien sûr, il ne faut pas se tromper d'extincteur. En apesanteur, un feu ne peut pas se propager par convection. Il fois qu'il a utilisé l'oxygène autour de lui, il s'éteint de lui-même. >>


(Apprentissage au massage cardiaque et ventilation artificielle / Crédit : NASA)

Le problème de l'eau dans le scaphandre est réglé

En juillet 2013, l'astronaute italien de l'ESA Luca Parmitano avait eu lors d'une sortie extra-véhiculaire une poche d'eau importante qui s'était formée à l'intérieur de son scaphandre et qui était remontée dans son casque. Il avait dû rentrer en urgence à bord pour ne pas finir ''noyé''.
(voir l'interview de Luca Parmitano racontant cet incident en cliquant sur ce lien en jaune)

<< Le problème d'eau dans le scaphandre est réglé. On a changé la manière dont on sépare l'eau (l'humidité produite par le corps) et l'air ambiant de scaphandre qui consistait à un séparateur qui tournait à 30 000 tours/min et qui était dans le sac à dos. Cette manière de faire a été un peu changée et depuis il n'y a pas eu de nouvel incident. Puis on a ajouté un système absorbant dans le casque derrière la tête de l'astronaute. 
Maintenant, cela fait partie des procédures et à l'entraînement au sol, une fois dans le casque, on remue la tête d'avant en arrière, pour essayer de ressentir l'eau versée par les instructeurs, afin de s'habituer à cette sensation, et donc à pouvoir vite réagir si cela se produit en EVA. >>


Dans l'ISS, nous sommes reliés en permanence à la Terre

Il n'y a pas de problèmes de communication avec la station spatiale car celle-ci se trouve en permanence reliée avec le sol grâce à une constellation de la satellites géostationnaires. La visibilité communication est donc couverte à 95% environ. Les 5% étant la ''perte'' en puissance des signaux lorsque cela passe d'un satellite à l'autre.

<< Cela nous permet de travailler efficacement avec le centre de contrôle, de communiquer avec sa famille régulièrement, de faire des conférences depuis là-haut, d'envoyer des emails, de skyper. >>


C'était la version sprint, et là, on passe à la version marathon

Thomas Pesquet a été doublure par deux fois. La première, c'était l'année dernière, en étant la doublure d'Andreas Mogensen, premier danois dans l'espace.

<< Comme le vol était un vol court, 10 jours, et bien il a fallu concentrer les moyens sur 10 jours au lieu de six - c'est pour ça que je dis que j'étais préparé pour la version sprint, et je suis passé à la version marathon. >>

En juillet, il était la doublure du japonais Onishi, et c'est donc préparé à une mission de six mois en doublure, d'où la ''version marathon''.

Avec son rôle de doublure par deux fois, Thomas Pesquet était naturellement prêt à avoir le rôle d'ingénieur de bord n°1, en place gauche, pour sa mission.
Voir son rôle exact lors de cet article en cliquant sur ce lien en jaune.

Il revient sur le rôle de doublure et la différence qu'il y a avec le rôle de titulaire, tant dans l'entraînement que dans le mental.
<< Avant, on était prêt, fin prêt même, mais on savait qu'on ne partirait pas. Il y avait donc un petit ''switch'' dans la tête qui ne s'était pas activé. En devenant titulaire, le ''switch'' s'est switché. Tout cela devient plus réel. >>

<< L'équipage doublure et l'équipage titulaire suivent exactement le même entraînement, la même chose, jusqu'aux examens finaux. Par contre, une fois à Baïkonour, les emplois du temps diffèrent quelque peu. L'équipage principal a plus de choses à faire, et est donc plus occupé. Je serai donc plus occupé que les fois précédentes. >>


Je suis le dentiste du bord

<< En cas d'urgence médicale, tout est fait pour être soigné à bord. Sinon, on sera en relation avec des médecins urgentistes au sol qui nous indiquerons ce qu'il convient de faire. 
Nous sommes entraînés à faire face à beaucoup de situations médicales urgentes, comme le massage cardiaque. Je serai le dentiste du bord. Je sais anesthésier une dent, et même l'arracher s'il fallait. Nous avons le matériel adapté à cela. >>

<< On s'entraîne à ces situations d'urgence. Le scénario du pire serait d'être obligé d'évacuer. >>


L'astronaute ambassadeur

Beaucoup de choses sont prévues avec les enfants notamment, dont plusieurs expériences communes entre Thomas Pesquet et les scolaires, comme faire pousser des plants, faire du sport comme un astronaute, des contacts radios, etc...

<< L'astronaute est aussi un ambassadeur de la vie saine, et si en plus, on peut donner le goût aux sciences, aux sports, à certaines valeurs, alors profitons-en. >>


La douche va beaucoup me manquer

A la question de savoir ce qui va vraiment lui manquer une fois là-haut, la réponse a été rapide :
<< Je ne sais pas... La douche va certainement beaucoup me manquer. La sensation de l'eau, car se laver à la lingette pendant six mois, ce n'est pas vraiment génial. >>

<< J'aime aussi beaucoup les activités en plein air, la montagne, donc l'extérieur va aussi me manquer. Voir un horizon, sentir le vent... Oui, l'extérieur va me manquer ! >>

<< Il y a déjà des affaires qui m'attendent, et d'autres qui viendront après. Concernant le choix des couleurs et des motifs de mes vêtements, un astronaute n'a pas le choix. Sur Terre, je m'habille comme je veux, là-haut, ce sera impossible. >>


A défaut d'emmener mon saxophone, je ferai de l'Air Saxo

<< Je ne sais toujours pas si je pourrais emmener mon saxophone avec moi. Il y a les contraintes de place et de poids. Et comme, il va falloir certainement redispatcher le frêt prévu à l'origine dans la capsule Dragon de Space X, le choix va être simple. Les expériences de l'ESA et du CNES passent quand même avant mon saxophone. Je ferai de l'Air Saxo ! >>

<< Jean-Pierre Haigneré (ndlr = qui avait son saxo dans MIR en 1999) m'a expliqué que la salive se déplaçait différemment dans l'embout, et qu'il fallait donc s'y habituer. >>


Être astronaute c'est être un opérateur, mais aussi être un cobaye

Thomas Pesquet a terminé son entraînement spatial à Houston, et va donc regagner la Russie pour les deux prochains mois qui précèdent son lancement.

<< J'ai donc fini la partie entraînement spatial à Houston - c'est un peu triste, beaucoup même, de quitter toutes les personnes qu'on a côtoyé pendant ces deux années là-bas. 
Je suis actuellement pendant deux semaines à l'ESA à Cologne (ndlr = au centre des astronautes européens - EAC). Et là, c'est un entraînement avec les instruments pour la manipulations de mes expériences scientifiques. ëtre astronaute, c'est aussi être opérateur. On apprend le matériel, à le manipuler, à savoir comment ça marche, les procédures, etc..., et être astronaute, c'est aussi un rôle de cobaye. 
C'est ce que je suis en train de faire à Cologne. Cela va se finir la semaine prochaine avant de retourner en Russie. >>

<< En Russie, on va revoir toute la partie Soyouz, il y aura aussi les examens finaux, les examens médicaux, et à partir de fin octobre, on sera à la quarantaine médicale à Baïkonour. C'est là qu'on va découvrir notre vaisseau spatial, qu'on va entrer dedans, qu'on va le tester, le manipuler. >>


J'emmène ma ceinture noire de Judo

Thomas Pesquet est ceinture noire de Judo, et bien sûr, il ne l'oubliera pas lors de son vol

<< J'emmène ma ceinture noire de Judo avec moi, ainsi que quelques souvenirs pour la Fédération Française de Judo. Je pense également qu'on l'on organisera un petit quelque chose pour le tournoi de Paris (ndlr = en février 2017). J'emmène aussi quelques souvenirs personnels pour la famille et des amis ainsi que de la lecture, notamment St Exupéry. >>


Je suis impatient !

Thomas Pesquet, à l'approche de son envol, ne ressent pas de pression, du moins pour le moment !

<< Cela fait 7 ans que je m'entraîne dont 3 années ou presque pour cette mission. Je ne suis pas, je n'arrive pas en terrain inconnu. Bien sûr, je ne dis pas que lorsque je serai en haut de la fusée, je ne serrerai pas les fesses. 
Mais pour l'instant, c'est plutôt chouette. Plus on approche de la mission, plus on approche du bout, du but, plus cela devient réel. Cela approche, ça approche, je suis impatient ! >>



Crédit : Stéphane Sebile / Spacemen1969
             Space Quotes - Souvenirs d'espace


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